Lors d’une session de formation de l’IIPE-UNESCO, un responsable du ministère fédéral de l'Éducation du Nigeria a fait remarquer que « Le leadership est un processus social collectif, plutôt qu'une fonction. » En ce sens, le leadership n'est pas l'affaire d'une seule personne. Il définit et renforce une administration entière en tant que première responsable de l'éducation. Une culture forte du leadership permet de garantir que des réponses pertinentes et durables sont non seulement élaborées, mais aussi mises en œuvre afin de protéger le droit à l'éducation, quoi qu'il arrive.
De quel leadership parle-t-on concernant le ministère de l'Éducation dans les situations d'urgence ? Et comment le soutenir ? L'IIPE se penche sur ces questions depuis plusieurs années et sous des angles différents, afin de comprendre comment renforcer les capacités de ces ministères en matière de gestion de crise et comment soutenir l'engagement et le leadership lors des interventions d'urgence.
L'IIPE a commencé par organiser un forum de partage des connaissances (en anglais), réunissant ministères de l'Éducation du monde entier, organisations humanitaires et de développement, et universitaires. Des études de cas par pays ont également permis d'approfondir les expériences du Burkina Faso, de la Jordanie et du Kenya.
Dans le même ordre d'idées, l'IIPE s'est associé à Education Development Trust pour explorer le leadership pédagogique à l'échelon intermédiaire (en anglais) afin de comprendre comment leadership collaboratif et réseaux de leadership contribuent à une réponse efficace aux crises.
Toutes ces activités ont permis de définir et d'articuler l'importance de celui-ci au niveau du ministère pour toujours préserver l'éducation et l'apprentissage. Voici quelques-unes des conclusions.
1. Le leadership latéral est la clé de la résilience des systèmes éducatifs
Lorsque des crises surviennent, aucune école, aucun responsable, n’a à sa disposition tout l’éventail des solutions à ces situations très complexes. Différentes solutions seront ainsi expérimentées dans différents endroits. C'est le partage de ces solutions qui permettra aux acteurs d'adopter les réponses les plus complètes et les mieux adaptées à leur contexte et à leurs capacités. Mais comment s'assurer que ces solutions sont communiquées aux écoles et communautés ?
Les ressources comme les solutions sont naturellement réparties entre les nombreux acteurs locaux, notamment entre les écoles et d'autres acteurs tels que les parents, la communauté et les entreprises locales. La collaboration et le leadership dit « latéral » (relations informelles et formelles entre les écoles et les partenaires) sont aussi importants que les relations « verticales » et formelles traditionnelles.
Lorsque le temps est compté, les solutions testées localement et partagées organiquement permettent une réponse beaucoup plus efficace et rapide. Par exemple, au Burkina Faso, le ministère de l'Éducation a engagé les acteurs locaux dans la planification de l'éducation dans le cadre de la réponse plus large du pays à la pandémie de COVID-19 par le biais de comités de coordination au niveau local. Ces acteurs régionaux, provinciaux et scolaires ont suivi et coordonné les activités de retour à l'école. Les systèmes éducatifs qui ont mis en place ces réseaux permettant la collaboration entre les écoles et les communautés, et où la confiance est déjà établie entre les acteurs, sont en meilleure position pour devenir plus résilients.
2. Investir dans des réseaux de leadership collaboratif de praticiens pour renforcer la résilience au niveau local
S'il n'existe pas de schéma directeur pour répondre aux crises, les connaissances tacites des communautés sont une ressource précieuse. Les réseaux tels que les communautés d'apprentissage professionnel peuvent offrir une plateforme intéressante pour le partage des connaissances et des bonnes pratiques. Ils peuvent également aider les acteurs scolaires à se mobiliser et à agir en tant qu'agents de changement pendant les crises.
Au Kenya, l'autonomie et le leadership des communautés de pratique, qui rassemblent les directions d'écoles primaires dans des réseaux autour du mentorat par les pairs, ont permis d'aborder des problématiques spécifiques qui ont été pertinentes pour leurs écoles pendant la pandémie. Bien connaître les contextes a permis de trouver des solutions sur mesure. La résolution des problèmes locaux et le leadership endogène facilités par les réseaux de collaboration ont conduit à des réponses scolaires localisées et agiles pendant la crise. Cela démontre l'importance de capitaliser sur les capacités existantes des écoles et sur l'apprentissage collaboratif pour améliorer le leadership.
3. Exploiter toute l'expertise de la main-d'œuvre du secteur et responsabiliser les professionnels au niveau intermédiaire et des écoles
Parfois, dans les contextes de crises humanitaires, des mécanismes et des systèmes de réponse parallèles sont créés. Il faut plutôt s’appuyer sur la capacité d'un système éducatif, de ses responsables de l'éducation dans les écoles et au niveau du système (en anglais), et exploiter leur potentiel. Cela suppose de distribuer le leadership à tous les niveaux et de faire confiance aux individus pour prendre des initiatives.
Par exemple, le niveau intermédiaire des systèmes éducatifs et les professionnels travaillant entre l'école et le niveau central sont particulièrement intéressants. Les superviseurs, les accompagnateurs pédagogiques, les responsables de districts et les chefs d'établissement ou les enseignants mentors travaillant dans des groupes d'écoles sont stratégiquement bien placés pour contribuer à une réponse efficace aux crises. Ils agissent en collaboration pour coordonner le soutien entre les écoles et les enseignants. Grâce à leur proximité avec les enseignants et les écoles, ils disposent de connaissances locales et de l'agilité nécessaires pour répondre aux besoins locaux et pour façonner la réponse nationale.
Pendant la pandémie, les leaders de niveau intermédiaire travaillant dans les écoles ont apporté un soutien émotionnel et du lien social tout en enseignant à distance et en éclairant les politiques nationales. Au Rwanda par exemple, les réseaux de niveau intermédiaire ont été les premiers recours des directions d'école et ont également permis la mise en œuvre sans heurts de la campagne de retour à l'école organisée par le ministère.
4. Le leadership en cas de crise doit aborder explicitement l'équité et le bien-être
Lorsque le COVID-19 a fait surface, de nombreux acteurs scolaires ont vu leurs priorités changer rapidement. Le bien-être personnel et collectif est souvent devenu une préoccupation majeure, ainsi que la continuité éducative, notamment pour les élèves les plus marginalisés. Les écoles du monde entier ont eu besoin d'un leadership explicite en matière d'équité et de bien-être. Au Rwanda, grâce aux communautés virtuelles d'apprentissage professionnel, le personnel éducatif national et local a pu centrer les discussions sur la manière de toucher les apprenants les plus vulnérables. Ce personnel a pu aider les autres enseignants à s'engager auprès des parents via des SMS et des visites à domicile, et à collecter des données sur les élèves les plus vulnérables.
Au Royaume-Uni, les directions d'établissement ont utilisé leurs réseaux pour débattre de la meilleure manière d'aborder le bien-être des élèves et des enseignants lorsque la pandémie a frappé. Dans l'attente des orientations gouvernementales, les écoles ont élaboré leurs propres approches pour surmonter l'isolement, notamment des appels téléphoniques hebdomadaires entre enseignants et élèves et des appels virtuels quotidiens des directions d'école pour prendre des nouvelles des enseignants. Ces réseaux ont non seulement permis aux écoles de se rassembler autour d'un programme de bien-être pour les élèves, mais ont également favorisé le bien-être des enseignants et directions. De même, à Delhi, des réseaux d'enseignants mentors travaillant dans différentes écoles ont réorienté leurs sessions d'apprentissage professionnel pour discuter du bien-être.
« Nous avons constaté beaucoup de stress, d'isolement et de souffrance chez les enseignants, les élèves et leurs familles. Il y avait un besoin d'être entendu et les réunions mensuelles du réseau en ligne sont apparues comme une plateforme pour se reconnecter. »
- Ila Varma, enseignante mentor dans une école publique à Delhi, en Inde.
Le leadership dans les situations de crise repose sur le fait que chaque niveau du système recueille et utilise des données et des informations pertinentes en mettant l'accent sur les questions d'équité. Pour améliorer l'équité et le bien-être, les points de vue et les expériences des populations touchées par la crise devraient également être systématiquement pris en compte dans la réponse à la crise.
L'ouverture d'une communication dans les deux sens et la mise en œuvre d'un retour d'information peuvent renforcer le leadership du ministère de l'Éducation avant la crise et renforcer la résilience pour gérer la continuité de l'éducation et l'incertitude, pendant et longtemps après une crise.
Restez à l'écoute ! Un prochain article de réflexion de Education Development Trust examinera le rôle des réseaux de leadership professionnel dans une réponse efficace à la crise.
URL:
https://www.iiep.unesco.org/fr/repondre-la-crise-quand-leadership-et-resilience-vont-de-pair-14281