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Soudan: un an après, ce qu’il faut savoir sur le conflit

 

Il y a vingt ans, en 2003, le conflit au Darfour éclatait. Bilan humain : 300 000 morts et près de 2 millions de personnes déplacées. Après des années d'instabilité et d'insécurité, le pays fait face à une nouvelle flambée de violence depuis le 15 avril 2023. Les auteurs des crimes d’hier continuent de sévir aujourd’hui. 

Alors que le pays est déchiré par la guerre depuis des décennies, de violents combats ont éclaté le samedi 15 avril 2023, à Khartoum, la capitale du Soudan, et dans plusieurs villes du pays.

Une nouvelle escalade de la violence qui oppose les deux hommes forts du pays : le chef d’État de facto Abdel Fattah Al-Bourhane, à la tête de l’armée régulière (les Forces armées soudanaises, FAS) et son numéro 2, le général “Hemetti”, chef d’une importante milice paramilitaire (les Forces de soutien rapide, FSR).

En 2021, les deux hommes s’étaient alliés pour renverser le régime en place depuis 2019 qui avait mis fin à 30 ans de dictature d'Omar El Béchir. Mais leur alliance s’est révélée fragile. En pleine négociation autour de la mise en place du nouveau gouvernement de transition, des tensions ont explosé en raison de désaccords sur la réforme des forces de sécurité. 

Depuis l'embrasement du conflit il y a un an :

Au moins 14,700 personnes ont été tuées et plus de 10,7 millions de personnes ont été déplacées de force en l’espace d'un an.

Des millions de personnes sont piégées chez elles.

Les travailleurs humanitaires ne sont pas en mesure d'acheminer l’aide nécessaire. 

Certaines victimes font état d'attaques apparemment indiscriminées et d'autres sont prises entre deux feux, souvent parce que des combattants ont pris position au milieu de civils, en violation du droit international humanitaire.  

Les parties au conflit utilisent des armes lourdes, notamment de l'artillerie, des chars et recours à des bombardements aériens, dans les zones densément peuplées de Khartoum. 

Des rapports font également état de violences sexuelles commises par des soldats des FSR. 

Les souffrances endurées depuis 20 ans par la population du Darfour sont exacerbées. Des informations crédibles laissent penser que les Forces d’appui rapide et les milices alliées ont tué ou blessé de nombreux habitant·es au Darfour occidental.

Amnesty International est préoccupée par les informations faisant état d’homicides ciblés en fonction de critères ethniques, de violences sexuelles, de multiples incendies volontaires visant des habitations et du déplacement massif de la population non arabe du Darfour occidental – en particulier dans la ville d’El Geneina et ses environs – dont les Forces d’appui rapide et les milices arabes alliées seraient responsables. 

Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International

Comment en est-on arrivés là ? Voici ce qu’il faut savoir sur le conflit au Soudan. 

Que sait-on des deux forces au pouvoir qui s’affrontent ?  
Vingt-cinq ans après sa prise de pouvoir, à la fin d’un règne marqué par la corruption, les crimes de masse et une faillite économique, le président Omar el-Béchir est déposé par un coup d’Etat, à la suite à une révolte courageuse, et durement réprimée de la population civile. A la tête de cette répression, le général Mohamed Hamdan Daglo, mieux connu sous le nom de général "Hemetti". 

Le régime fini par tomber après le putsch militaire orchestré par le chef de l’armée Abdel Fattah al Burhan. Un collège composé de militaires - dont le général "Hemetti" - et de civils dirige le pays jusqu’en octobre 2021, où l’armée prend le contrôle complet du pays, et arrête les principales figures de la société civile, à commencer par le premier ministre du gouvernement de transition, Abdallah Hamdok.

Le général Abdel Fattah al-Bourhane, prend la tête du Conseil de souveraineté de la transition qui gouverne le pays aux côtés du général "Hemetti". Mais très vite, les dissensions entre les deux hommes forts du régime émergent. Et en avril 2023, le conflit, inévitable, finit par éclater. 

Les Forces armées soudanaises (FAS, armée régulière) dirigées par le général Al-Bourhane, et les Forces de soutien rapide (FSR, milice paramilitaire indépendante) du général “Hemetti” sont les deux principales forces armées du Soudan. Elles ont toutes deux commises de graves violations des droits humains au Soudan, en particulier au Darfour.

Les Forces de soutien rapide (FSR) sont notamment composées d’anciens combattants des milices janjawids qui, dans les années 2000, ont aidé les forces armées soudanaises à écraser la rébellion dans la région du Darfour.

Ce groupe paramilitaire très puissant, s'est enrichi en acquérant des institutions financières et des réserves d'or soudanaises. On estime qu'il compte entre 70 000 et 150 000 combattants. Son chef, le général "Hemetti", entretient d'importantes relations avec des gouvernements étrangers, russe notamment.

Il a conduit les FSR à s'associer au groupe mercenaire Wagner dans l'exploitation de l'or au Soudan, a déployé des combattants au Yémen pour servir les intérêts de l'Arabie saoudite et a également envoyé des combattants en Libye pour servir les intérêts des Émirats arabes unis.  

Les Forces armées soudanaises (FAS) ont quant à elles également commis de graves violations des droits humains, notamment en utilisant des armes chimiques contre des civils au Darfour, en 2016.  

Après l'éviction d'Omar el-Béchir, en 2019, et le coup d'État d'octobre 2021, les forces de sécurité soudanaises, y compris les FAS et les FSR, ont continué à commettre des crimes au regard du droit international et des violations des droits de l'homme, notamment en recourant à une force excessive contre les manifestants, tuant au moins une centaine d'entre eux et en blessant des milliers d'autres depuis le coup d'État.

 

URL: 
https://www.amnesty.fr/conflits-armes-et-populations/actualites/soudan-tout-ce-quil-faut-savoir-sur-le-conflit?utm_source=newshebdo&utm_medium=email&utm_campaign=newshebdo-18042024