En Suisse, les communes ritualisent le passage à la majorité civile et civique en organisant des promotions dites civiques ou citoyennes. À l’aube de leurs 18 ans, les jeunes reçoivent une invitation des autorités communales à laquelle environ un tiers répond favorablement. Dans les six communes que nous avons étudiées durant trois ans, les autorités invitent les jeunes à participer à une séance du conseil communal, les convient à un repas ou un apéritif, leur organisent une nuit de jeux en plein air, ou encore une soirée de témoignages et de spectacles. Quelle que soit la forme que prennent ces événements, ils font place à des discours dans lesquels des élu·e·s rappellent aux jeunes majeur·e·s les nouvelles responsabilités et les choix qui les attendent à l’orée de l’âge adulte, et les enjoignent à devenir de «bonnes» et «bons» citoyen·ne·s. Ces événements offrent ainsi une opportunité d’étudier empiriquement la «fabrication» (Bénéï, 2005; Gagné et Neveu, 2009) de la citoyenneté juvénile. Dans un premier temps, nous décrirons très brièvement l’approcheméthodologique et les dispositifs mis en place par les six communes étudiées. Puis, nous ferons une analyse des discours qui, outre l’appel au vote, incitent à se battre pour des droits qui permettent à la démocratie de perdurer, mais ne s’arrêtent pas à cette définition restreinte de la citoyenneté. Enfin, nous nous concentrerons sur trois tensions que révèle le croisement de ces injonctions à la citoyenneté, avec ce qu’en disent les jeunes participant·e·s.