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La maltraitance des collégiens, un incubateur de haine
© Getty images/AlexLinch

Cette image publiée sur la page Facebook Anti-Sotus, illustre une activité d’initiation qui a pris place au début du mois au département d’ingénierie mécanique et aérospatiale de l’Université de technologie du Roi Mongkut, à Bangkok. Les photos choquent. La première montre des jeunes hommes en sous-vêtements allongés sur la plage ; dans le second cas, un homme lèche apparemment du ketchup dans la poitrine d’un autre. Une troisième montre des hommes alignés sur deux rangées, semblant simuler des activités sexuelles.


Les images ont été publiées sur la page Facebook Anti-Sotus, qui s'oppose au credo d'ancienneté, d'ordre, de tradition, d'unité et d'esprit, censés encourager les liens d'étudiants dans les universités. Selon cette page, les photos divulguées provenaient d’une activité d’initiation organisée au début du mois pour les étudiants de première année du département de génie mécanique et aérospatial de l’Université de technologie King Mongkut, à Bangkok.

 
Les photos se sont répandues telle une traînée de poudre sur les médias sociaux, a été rapportée par les agences de presse, et a provoqué l'indignation publique. La page Anti-Sotus elle-même, a publié une déclaration contenant un ensemble de revendications, y compris une enquête à ce sujet. Le ministère n'a pas tardé à réagir en y allant de sa propre déclaration, affirmant ne pas être au courant de cette activité « privée », et qu'une enquête se tient présentement à cet effet.

 

Ce n'est pas la première fois que de telles activités d'initiation, appelées rub nong en thaï, se traduisant par « accueillir les jeunes », provoquent une colère publique généralisée. Le problème existe depuis longtemps dans la société thaïlandaise, les médias sociaux permettant de partager facilement des anecdotes, des preuves photographiques et d’amplifier la prise de conscience publique. Le monde en ligne sert également de forum de discussion publique et d’indignation.


Quelques recherches sur Internet génèrent une longue liste de rituels d'initiation, comprenant des activités non hygiéniques, de l'humiliation, du harcèlement et des violences physiques sous différentes formes d'intimidation déshumanisante. Certains incluent des étudiants obligés de passer des bonbons de bouche à bouche, d’embrasser le sol et de manger un mélange de nourriture ressemblant à des excréments. D'autres rapports détaillent des abus verbaux, de la violence physique et du harcèlement sexuel. Les élèves de sexe masculin se voient exposés à des activités plus violentes et, de manière alarmante, certains rituels se retrouvent également, dans les écoles secondaires.

 
Les plus jeunes étudiants n'ont pas le choix. L'absence ou le refus de participer peut avoir des conséquences négatives, telles que d’être ignoré ou ostracisé de la part des pairs et d'étudiants de niveau supérieur. Alors que les établissements d’enseignement ont généralement pour politique de lutter contre les rituels violents et dégradants, ces pratiques continuent de sévir, en secret. Lorsqu'un dénonciateur laisse échapper des preuves d'abus au public, une chasse aux sorcières s'ensuit. Ironiquement, mais sans surprise, le cycle se perpétue, dans la terreur, certains étudiants de première année souhaitant ou faisant pression, pour continuer de perpétuer cet héritage, en vue de construire des relations de pouvoir, lorsqu’ils accèdent à la deuxième année de leur programme.


Les activités d'initiation aideraient les étudiants à créer des liens, mais cette union se concrétise à un prix fort élevé. Les initiations impliquant des manifestations de violences et des brimades dans l’enseignement supérieur ne se réalisent guère seulement en Thaïlande, et touchent les victimes de nombreuses façons, notamment, par des traumatismes psychologiques, qui durent toute la vie, ou dans des cas extrêmes, occasionnent des décès. Dans une affaire très médiatisée en 2014, un étudiant âgé de 16 ans, est mort lors d'un étourdissement sur une plage de Prachuap Kiri Khan ; une autre jeune fille de 19 ans s'est retrouvée aux soins critiques, après avoir failli se noyer à Chon Buri, en 2016. Le Rapport mondial 2017 de l’UNESCO, portant sur la violence et l’intimidation à l’école, revêt une importance particulière, concernant ce mal social, détaillant les conséquences de la violence et de l’intimidation. En ce qui concerne les résultats scolaires, les conséquences suivantes, fourmillent : absence des cours, mauvais résultats scolaires et décrochage scolaire.

 

Quant à la santé mentale et émotionnelle, les victimes se trouvent plus susceptibles de vivre des difficultés interpersonnelles, d’être déprimées, d’avoir une faible estime de soi, voire même de tenter de se suicider. Les environnements d'apprentissage non sécurisés créent un climat de peur et d'insécurité, en plus de la perception que le bien-être des étudiants, importe peu. La qualité de l'éducation en résulte comme gravement compromise.

 

Quelles sont les solutions ? Le rapport suggère plusieurs réponses pour traiter ce type de problème. Élaborer et appliquer des lois et des politiques qui protègent les apprenants de la violence et de l’intimidation. Créer des environnements d'apprentissage sûrs et inclusifs. Former les membres du personnel enseignant à utiliser des approches de programme qui préviennent la violence, et à réagir de manière appropriée aux incidents. Sensibiliser à l'impact négatif de la violence et de l'intimidation. Fournir des mécanismes de signalement confidentiels et des conseils. Mettre en œuvre la collecte et la surveillance des données. Et la liste continue.

 

En Thaïlande, cependant, ces rituels dégradants persistent. Quand ces abus se produisent, les gens deviennent furieux. Les établissements d’enseignement répondent en mettant en œuvre des mesures réglementaires. Cependant, lorsque le feu s’éteint, tout le monde oublie. La réglementation s’assouplie et un comportement méchant, voire davantage méchant, se reproduit. Le cycle se poursuit depuis des décennies. Comment pouvons-nous y mettre fin?

 

Le dernier scandale se trouve à nouveau, une occasion pour la société de s’unir et de promettre que cette culture initiatique abusive, prenne fin. Les instituts d’enseignement et les membres du corps enseignant se voient contraints de créer un précédent, montrant que les rituels violents ne peuvent être acceptés, et non pas simplement, ignorer de tels incidents. Ces étudiants finiront par sortir du système éducatif et contribueront à la société. S'agit-il de valeurs et de comportements que nous souhaitons renforcer dans notre société?

 
Les parents et le public ne doivent pas non plus tolérer les activités abusives et peuvent agir en exhortant les écoles et les universités à agir et à créer des espaces d'apprentissage sécuritaires pour tous. Les médias sociaux peuvent consister en une plate-forme pour plaider en faveur d'une culture d'initiations plus favorables, et pour faire campagne contre la violence et l'intimidation.

 
Les étudiants jouent un rôle important. Les étudiants de première année doivent se défendre avec assurance pour protéger leur bien-être et leur dignité, mais ils doivent bénéficier d'un meilleur soutien. Il importe de noter que les étudiants de niveau supérieur doivent assumer la responsabilité de leurs actes. Il n'existe aucune raison pour que les rituels de friction soient axés sur la dégradation et le sadisme.


Ce problème existe depuis longtemps. Les solutions constructives subsistent. Faisons davantage d’efforts pour que les établissements d’enseignement constituent en des pépinières à l’intégrité et à la paix.

 

URL:

https://bangkok.unesco.org/content/abuse-junior-students-incubator-hatred