« L’éducation est peut-être le lieu où certaines des interactions entre citoyens et gouvernements sont les plus étroites. C’est dans ce secteur que la bonne gouvernance se concrétise et que la confiance s’instaure ou se perd. »
-- Paul Maassen, Directeur, Appui aux pays, Partenariat pour le gouvernement ouvert (PGO), intervenant à l’ouverture du Forum politique de l’IIPE
Le Forum politique de l’IIPE « Gouvernement ouvert dans l’éducation : retours d’expérience », qui s’est récemment tenu en ligne, a porté un message clair : on assiste actuellement à un essor de l’échange des informations et des modes de collaboration, ainsi que des actions visant à améliorer les systèmes éducatifs à partir des retours des citoyens. Pendant trois jours (du 16 au 18 novembre), des décideurs et responsables du secteur de l’éducation, des représentants des pays membres du Partenariat pour le gouvernement ouvert, des membres de la société civile et des chercheurs issus de 50 pays se sont employés à faire progresser le gouvernement ouvert en tant que modèle prometteur de planification de l’intégrité dans le secteur de l’éducation.
Ce rendez-vous virtuel a été suivi par plus de 1 000 personnes du monde entier. Visionner les vidéos.
Les discussions ont porté sur diverses initiatives en faveur du gouvernement ouvert mises en œuvre en Colombie, en Inde, à Madagascar, au Pérou, au Portugal et en Ukraine, et qui ont toutes fait l’objet d’études de cas dans le cadre du projet de recherche sur quatre ans mené par l’IIPE sur la question du gouvernement ouvert.
Grâce à la présentation de ces exemples, les participants ont pu se faire une meilleure idée de la façon dont l’élaboration de politiques ouvertes, la budgétisation ouverte, la contractualisation ouverte et les audits sociaux peuvent ouvrir la voie à des formes novatrices de collaboration entre citoyens et gouvernements. En outre, ils ont mis en lumière l’importance de l’impact que le gouvernement ouvert peut avoir sur l’éducation : de l’amélioration des programmes de repas scolaires au contrôle des dons aux écoles effectués par les parents.
Les débats ont porté principalement sur la façon d’assurer l’égalité d’accès et de recours aux initiatives de gouvernement ouvert, d’exploiter au mieux les nouvelles technologies afin de favoriser la participation citoyenne, de consolider le lien entre gouvernement ouvert et redevabilité, et enfin de traiter les limites et les risques de la participation citoyenne dans le cycle de planification.
Dans son discours d’ouverture, la Directrice de l’IIPE, Mme Karen Mundy, a expliqué que d’après les recherches dans ce domaine, si l’accès public à l’information et la mobilisation des citoyens sont essentiels pour promouvoir une plus grande transparence dans les systèmes éducatifs, des efforts supplémentaires s’imposent pour obtenir de réels effets sur la gestion du secteur.
« Le gouvernement ouvert dans l’éducation passe par le renouvellement des interactions entre le gouvernement et les citoyens et se fonde sur les principes de transparence, de mobilisation et de participation des citoyens, mais aussi de réactivité du gouvernement. ».-- Karen Mundy, Directrice de l’IIPE
Les initiatives en faveur du gouvernement ouvert requièrent fondamentalement la transparence et le libre accès aux données sur l’éducation. Toutefois, comme l’explique Mme Muriel Poisson, spécialiste des questions d’éthique et de corruption dans l’éducation à l’IIPE et coordinatrice des recherches de l’Institut sur le sujet, le gouvernement ouvert doit aller plus loin.
« La publication des informations est essentielle, mais ce n’est qu’une première étape. Les décideurs au sein du secteur éducatif doivent prendre d’autres mesures visant à accompagner de nouvelles formes de participation citoyenne, et veiller à ce que des décisions appropriées soient prises prenant en compte les retours des citoyens – incluant la possibilité de recours juridiques », a-t-elle affirmé.
Il est souvent tentant de commencer au niveau le plus local, à savoir là où se trouvent citoyens et les communautés. Mais cela peut se révéler problématique dans le secteur de l’éducation où les décisions qui impactent les gens – et les élèves – restent souvent prises au niveau central. Ainsi, les acteurs nationaux continuent de jouer un rôle important dans une mise en œuvre efficace du gouvernement ouvert.
Dans 38 États ayant pris des engagements en faveur du gouvernement ouvert dans l’éducation, la mise en œuvre et la gestion de ces engagements sont assurées à l’échelle nationale dans 76 % des cas, et au niveau de l’école dans 41 % des cas.
En Inde, par exemple, la mise en œuvre du gouvernement ouvert à l’échelle du pays a permis de réaliser les premiers audits sociaux dans dix États. Et au Portugal, la participation chaque année de quelque 200 000 élèves âgés de 12 à 18 ans à un projet de budget participatif. L’appui national permet de mettre à disposition des financements et de l’expertise, mais aussi de légitimer les initiatives en légiférant.
Au Portugal, 90 % des écoles publiques ont participé à au moins une édition du programme de budget participatif, qui vise à renforcer la gestion démocratique des écoles en encourageant la participation des élèves.
Mais le Forum a également mis en évidence la valeur des initiatives pilotées au niveau local, à l’instar de la plateforme Open School en Ukraine. Dans le cadre de ce projet, un site web de budgétisation ouverte a été créé afin de rendre plus transparent le budget des écoles. Ce site permet de surveiller le type de dons reçus et ouvre de nouveaux canaux de discussion sur les réels besoins prioritaires des écoles.
« Cette initiative a changé mon attitude face aux autorités. Je leur fais davantage confiance, car je vois maintenant comment l’argent est utilisé. Lorsque le directeur fait son rapport, je constate que ce qu’il dit est vrai ».
-- Membre du corps enseignant à Droujkivka, en Ukraine
Le gouvernement ouvert n’est utile que s’il y a un engagement des citoyens. Il peut néanmoins se révéler problématique dans le secteur de l’éducation, où la culture de la participation reste souvent faible. Pour porter leurs fruits, les initiatives doivent prendre en compte la manière dont les citoyens accèdent aux informations, les comprennent et les utilisent, et encourager la pluralité des points de vue.
À Madagascar, par exemple, des structures locales de concertation (SLC) ont facilité la planification et la budgétisation participatives à l’échelon municipal. Des canaux variés de communication – téléphone, radio, affiches, réunions à l’école – ont aidé le public, d’une part, à accéder aux informations et à les exploiter en vue de diagnostiquer les manques, et d’autre part à formuler des stratégies pour y remédier. De façon similaire, en Inde, le théâtre de rue et les spectacles de marionnettes ont servi à mobiliser le public dans le cadre des audits sociaux. Et d’autres initiatives ont permis que les voix sous-représentées, notamment celles des femmes et des jeunes, soient entendues.
En plus de l’engagement citoyen, une initiative réussie doit également créer des liens forts avec la redevabilité : « Nous sommes toutes et tous d’accord sur le fait qu’obtenir une réponse ne suffit pas. Il faut qu’elle soit suivie d’actes », a affirmé Mme Poisson. En d’autres termes, les autorités publiques doivent non seulement rendre compte de leurs actions, mais aussi modifier leurs pratiques, afin de boucler la boucle de la redevabilité.
Mme Nada Zohdy, Directrice d’Open Gov Hub confirme : « Si les individus ne constatent aucun changement suite à leur participation, ils perdront toute motivation. Il est donc indispensable de veiller à la réactivité des autorités publiques et de faire en sorte que les citoyens comprennent les décisions qui sont prises, même si elles ne répondent pas à 100 % à leurs propositions. Dialoguer est essentiel. »
À l’avenir, ce dialogue se tiendra principalement sur des plateformes en ligne, en particulier dans cette période de pandémie de COVID-19, au sein d’environnements intelligents, et parmi des publics jeunes. Les participants au Forum ont toutefois souligné que les plateformes et autres outils numériques ne suffisent pas. Les citoyens ont besoin d’accéder de façon équitable aux informations, et développer une maitrise universelle sur leur utilisation en vue d’une éducation d’une plus grande qualité pour tous.
Pour en savoir plus sur les travaux de l’IIPE dans ce domaine, consulter la plateforme de ressources ETICO consacrée aux questions d’éthique et de corruption dans le secteur de l’éducation
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